5. En colère

Maman était malade mais la vie continuait. Il le fallait. J’ai passé les fêtes de fin d'année 2015 en imaginant qu’il s’agirait peut-être des dernières tous ensembles… J’ai toujours été d’une nature pessimiste et cet événement n’a fait que renforcer ce trait de ma personnalité. Un sentiment de peur était apparu assez naturellement. J’avais peur, oui, tout le temps. Un appel de ma mère ou de mon père et j’osais à peine décrocher, mon cœur battait la chamade. Qu’est ce qu’ils allaient encore bien pouvoir m’annoncer ?

La vie suivait son cours mais moi, j’étais davantage spectatrice qu’actrice de ma vie, je la subissais. Les évènements glissaient, je ne pouvais les influencer. J’en étais incapable mais surtout, j’y voyais peu d’intérêt. J’étais comme dehors, peu vêtue, sous une tempête de grêle, immobile au milieu des passants qui courent pour s’abriter. J’étais passive, désintéressée de toute problématique qui concernait autre chose que le cancer de ma mère ou le cancer en général. Une amie qui pleure une peine de cœur, une collègue qui se plaint de son travail, une connaissance qui raconte ses vacances ratées… Tout cela me passait au dessus et même pire… Je critiquais intérieurement les personnes se plaignant pour des pacotilles. Quel culot de me raconter ça, à moi ! Moi aussi j’aurai voulu avoir ce genre de problème que je jugeais infime, si cela pouvait empêcher ce qui arrivait à ma mère, ce qu’il m’arrivait. Le sentiment de colère a duré près de six mois. Il était couplé d’une forme d’auto-centrage que je juge maintenant très égoïste de ma part. J’en ai même honte ! Chaque individu à des problématiques, à des échelles diverses et variées. Et si quelqu’un souffre énormément pour une chose que je juge ridicule, il est important de prendre en considération sa souffrance et non l’objet de la souffrance. Je l’ai appris bien plus tard, malheureusement…

Je n’ai vraiment pas du être facile à vivre durant cette période… Il m’arrivait de parler de la souffrance de ma mère plus facilement que de la mienne. Pourquoi aurais-je à me plaindre, moi ? Je suis en parfaite santé ! Je n’avais pas le droit de me plaindre car je ne vivais pas un dixième de ce que vivait ma mère. J’ai intériorisé ma souffrance mentale car elle contrastait avec la souffrance physique que provoque la maladie. Parfois je parlais de la situation à des proches avec beaucoup d’aisance, d’autres fois, je coupais court de suite à la discussion. J’étais imprévisible, résignée et en colère.

 

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